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Faking a living

Faking a living

Film de Court-métrage de Joël Chalude - France - 2...

Comme chaque matin, Pinto, sexagénaire sans illusions, est tiré de son sommeil par un réveil lumineux. Procedé d’autant plus approprié que Pinto est sourd...Comme chaque matin, impassible, Edna, sa femme, attend le baiser conjugal qui l’affranchira de toute réticence à quitter le lit et l’aidera à préparer le petit-déjeuner de Pinto.

Comme chaque matin, Pinto, employé sans envergure d’une entreprise du tertiaire, peine à se vêtir et à quitter le vague cocon de son appartement. Un modeste appartement où il vient tout juste d'aménager et au sortir duquel son voisin Bacary l'installera dans un désagréable rituel de bienvenue. Bacary, le jeune black désoeuvré dont l’unique et nouvelle distraction va consister à retarder Pinto en perturbant le fonctionnement de l’ascenseur.

Mais, ce matin-là n’est pas tout-à-fait comme les autres : les transports sont en grève et, parce que la prothèse auditive de Pinto tombe malencontreusement en panne, tout d’un coup, ce monde qui est le nôtre, qu’il croyait être le sien, affiche son incongruité. Pinto est-il inadapté, ou le sommes-nous nous-même, en réalité ? Quais de gare déserts, banlieues sans âme, bureaux inhospitaliers, manifestation pour le droit au logement, tout celà se conjugue au gris avec le leitmotiv de l’ordre qu’incarnent tour à tour un chef de quai, des fonctionnaires de la sécurité nationale et un chef d'entreprise.

Petite lumière - vite éteinte - dans le coeur de Pinto, sa rencontre avec une jeune militante trouvera son éphemère prolongement dans la solidarité de la banlieue. Et, quand Pinto pourrait croire en un lendemain meilleur, ce matin-là lui rappelle que l’espérance ne se cueille pas.

Après avoir ri des infortunes de Pinto, le spectateur comprendra t-il que cette espérance-là se conquiert ?

Note d'intention

FAKING A LIVING - (un semblant de vie)

FAKING A LIVING est un pari sur le cinéma muet. La plupart des films de Chaplin ne demeurent-ils pas d’une étonnante actualité ? Mais, pour que ce cinéma muet retrouve les faveurs du public - et en cela, « L’Artiste » de Michel Hazanavicius n’y est pas parvenu en dépit de son succès planétaire -, il faut inscrire récit et personnages dans notre contexte et, sans avoir à renier la pantomime qui caractérisait alors le jeu de l’acteur, ajuster celle-ci à la dramaturgie actuelle.

Hommage à Chaplin, FAKING A LIVING l’est à plusieurs niveaux :

- Le titre d’abord, clin d’oeil à celui de son tout premier film, “Making a Living” dont c'était en 2014 le centenaire.

- Le titre encore qui, dans sa traduction française – feindre sa vie – fait écho à celui de Chaplin – gagner sa vie – en distinguant son siècle du nôtre : jadis les fraternités actives de la misère, aujourd’hui les solitudes passives de la pauvreté.

- Le contexte, ensuite : opprimés et oppresseurs des films de Chaplin étaient tous blancs. Ceux de FAKING A LIVING renvoient au multiculturalisme contraint né des migrations économiques. Mais, le message reste identique : la solidarité des hommes demeure le plus souvent une utopie.

- La morale, enfin : les films de Chaplin font l’éloge du courage et de la ténacité de l’individu, vertus selon lui nécessaires pour qui veut s’arracher à sa précarité. 

FAKING A LIVING donne à s’interroger sur l’individualisation des comportements induits par les technologies modernes. A cet égard, le film comporte un clin d’oeil historique : une séquence montre deux militants pour le droit au logement dont l’un rappelle curieusement l’Abbé Pierre. Or, non content d’être l’année du centenaire du premier Charlot, 2014 fêtait tristement le soixantième anniversaire de l’appel de l’Abbé Pierre. Et le plus gros donateur fut... un certain Charlie Chaplin. Qui eut ces mots pour justifier son geste : “Je ne donne rien, je rends ce qui appartient au vagabond que j’ai été et que j’ai incarné”.

FAKING A LIVING est ma geste de reconnaissance à l’égard d’un artiste unique et exceptionnel dont l’oeuvre et la vie n’ont cessé d’inspirer ma réflexion et mon travail. Né pauvre d’une famille d’artistes juifs ayant fui le nazisme, ma surdité a enfermé mon enfance et une bonne part de ma jeunesse dans la magie du muet et j’y ai puisé la jubilation du mime, du danseur, du clown, du marionnettiste, de l’acteur et du réalisateur que j’ai été tour à tour !

FAKING A LIVING se veut donc la rencontre opportunément moderne du rire et de la solidarité : son héros, un modeste employé sourd du secteur tertiaire rendu quelque peu paranoïaque par le climat d’insécurité entretenu par les jeunes occupants de son hall d’immeuble, va découvrir qu’il peut exister de formidables fraternités le temps d’un douloureux incident !

FAKING A LIVING est aussi un pari sur l’exemplarité. La mienne en l’occurrence, pour que les sourds cessent de se voir avec les yeux désolés d’un monde qui interprète absurdement leur rage d’être et d’exister comme autant d’appels à la compassion. Ces sourds qui, tout au long d’une histoire faite d’interdits, se sont construits une culture à coups de Charlot.


Séances


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